Septième station : BRUNO GANZ
"Bruno Ganz" Techniques mixtes sur toile 80 x 80 cm |
Lorsque le comédien Bruno Ganz est mort, ce 16 février 2019, nous n’y avons d’abord pas
cru, convaincus que les anges sont éternels. Puis au fil du souvenir, il nous est revenu que le
comédien suisse avait incarné l’ange Damiel
dans le film de Wim Wenders : « Der Himmel über Berlin ».
Mais, en y repensant, je me suis souvenu que Damiel tombait amoureux de la belle trapéziste, Marion, à tel point qu’il fit tout ce
qui fut en son pouvoir pour redevenir mortel, et la retrouver dans Berlin,
après le départ du cirque ambulant. Et un jour, il est prêt, il tombe de bien haut, et dans
sa chute, il saigne, enfin. La couleur apparaît violemment à l'image, son armure d’ange du ciel se fracasse sur le sol
tout prêt de lui. Pour s’en débarrasser, il la refourgue à un brocanteur contre
quelques deutschemarks ; ses premiers billets de vivant et de mortel. Il peut s'offrir un café bien chaud, comme il en rêvait depuis longtemps. Maintenant
qu’il est un homme, l’attraction amoureuse qui le poussera vers Marion sera irrésistible. Voilà pour
l’histoire. Il a donc fallu que le comédien Bruno Ganz passe par cette
métamorphose opérée par l’image. Que serait-il arrivé, si Damiel était resté, à l’instar de son
ami Cassiel, un ange zélé, s’il n’avait
pas cédé à l’attraction de l’amour terrestre ? Au juste, nous n’en savons
rien, persuadés cependant que ce monde du
désir que produit le cinéma sur chacun de nous, et qui nous est
familier, est pour ainsi dire, ce qui aurait pu nous arriver, si la magie s’en
était mêlée, ou plutôt, ce qui aurait dû nous arriver dans cette vie, puisque
de tout temps, il nous fut refusé de nous incarner, passionnément, dans la
peau de l’ange, pour vivre comme
tel, puis de choisir de mourir dans les
oripeaux d’un simple mortel. Bruno Ganz- Damiel le savait. Quand il meurt ce jour de
février à Zurich, le film de Wim Wenders, « Les ailes du désir » peut
se ré-accomplir. On peut sans vertige parler d’une réalité de l’accomplissement. Parce
que ce rôle de l’ange Damiel a
marqué la carrière du comédien Bruno Ganz, et qu’il continue de fasciner les nouvelles générations de regardeurs, sa mort projette sur nous les bris d’un miroir qui reflétait deux images, deux images presqu'identiques : celle de la vie libre des
images (la vie sublimée inhérente au cinéma), et celle de l’effacement des
corps et des âmes dans la mort; ce qui est l’accomplissement de toute vie sur terre. Ainsi
la nôtre, pauvres mortels.
« Moi ! moi qui me suis dit
mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à
chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! »
« Une saison en enfer,
Adieu, »
Arthur Rimbaud
Damiel - Ganz est enfin mortel
A SUIVRE...
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