Un récit d'anticipation de treize épisodes à la douzaine signé maestro & Nunki Bartt |
« Nous
avons bien travaillé » pensait Lars Faber. Le direktor commençait vraiment à se persuader que c’était bien son
ours Primoz que Chuca avait vu dans son rêve. Faber, qui en avait toujours
douté, pouvait enfin croire, depuis
l’expérience de Jasmine sur l’« Athéna », à l’existence des licornes.
Jasmine ne savait pas pour autant sur quel pied danser. Mais la question qui se
posait maintenant, était : « Où chercher ? Quelle
était cette forêt, et quel était cet étang ou cette étendue d’eau dans cette
forêt ? » La petite se préparait pour aller à l’école. Le dessin
était resté sur la table et sa présence sur ce qui n’était en fait qu’un
guéridon, exerçait un charme troublant sur le trio. Il semblait émettre une
force qui les retenait autour de cette petite table, les exhortant à réfléchir,
ou plus encore, à se réfléchir, à entrer en eux-mêmes – à se découvrir. Jasmine
se replongeait dans le ciel noir, le direktor Papiak se demandait si le rhino,
qui ressemblait plus de son point de vue à une vache, n’était pas en fait,
Horace, son rhinocéros blanc acrobate. Il allait s’en convaincre quand Gloria,
la voisine de palier entra, sans frapper, dans le cabinet de curiosité afin,
comme elle le rappela à Faber, d’emmener la petite à l’école. Lars lui faisait
confiance, même si elle détestait, encore plus que Papiak, les gamins des amis
du docteur. C’est elle, l’amerloque, comme
l’appelait gentiment Faber, elle,
l’ancienne danseuse de revue du Crasy
Horse, puis du Paradis Latin qui,
depuis la disparition de Gordon M Baxter et de son équipe, s’était occupée de
Chuca, la conduisait à l’école, veillait parfois sur ses nuits agitées, quand
Lars allait rejoindre ses copains pour s’arsouiller au Gymnase. Gloria trouvait que cette petite avait du caractère, du
cran, autrement dit : du chien. Autrefois, elle avait rencontré sa mère,
la « Zizinha Bonita », au Paradis
latin. C’est elle-même, Gloria qui avait présenté la jeune danseuse nue au
docteur Gordon M Baxter. On connait la suite. Faber, très nerveux (ce qui
n’était pas dans ses habitudes), était en train d’enfiler une cravate dont il
n’arrivait pas à faire un nœud correct. Il demanda de l’aide à Gloria, quand il
se souvint de la seconde nuit des cauchemars de Chuca et ce que l’enfant n’avait
cessé de répéter cette nuit-là.
- Souviens-toi Gloria, je t’en prie, essaie de te
souvenir, et redis-moi ce qu’elle criait Chuca dans son cauchemar !
-
Je sais plus moi, elle dit tellement de choses
bizarres cette môme, même quand elle ne dort pas.
-
Fais un effort, c’est important, très
important ! Allez l’amerloque,
dis-nous ce qu’elle répétait dans son rêve.
-
SI tu me prends par la douceur… but don ’t
move, sugar !
Gloria
s’était avancée à l’intérieur du cabinet. Elle se rapprocha et remarqua le
dessin de Chuca sur le guéridon. Elle s’en saisit car elle n’avait jamais vu de
dessin d’enfant auparavant. Elle l’observa attentivement, et se projeta, comme
si elle y était, dans cette nuit-là.
« - Ithaque, ou plutôt non, non,
Itar, oui c’est ce qu’elle répétait sans arrêt, Itar !
Faber
embrasa fougueusement Gloria sur les lèvres et gravit en deux enjambées les six
marches de la passerelle qui conduisait à la chambre de Chuca qui s’était
emparée d’une grosse brosse et essayait d’éteindre le feu dans ses cheveux, lesquels,
il faut bien le dire, rappelaient étrangement la crinière d’un lion immature. Le
tuteur prit sa pupille dans ses bras.
-
Chuca, carinha, puis-je te demander un
service ?
-
Sim tonton Lars, à condition que tu peignes mes
cheveux.
-
Tout ce que tu voudras ! (ses mains s’enfouirent
dans la crinière) Dis, consentirais-tu à me prêter le petit tipi que papa
t’avait offert pour Noël ?
-
Le tente de Kiki l’indien ? Qu’en
feras-tu ?
-
J’en
ferai un refuge.
-
Oh ! tu peux la prendre. Elle est bien
trop petite à présent si je dois parcourir le vaste monde pour retrouver papai.
M’emmènes-tu avec toi oncle Lars ?
-
Non, tu ne dois pas manquer l’école. Et puis
c’est trop dangereux pour uma garotinha. Tu vas rester habiter avec Gloria. Tu
l’aimes bien, dis ?
-
Oui, elle est marrante l’amerloque. Est-ce que tu emmènes Jasmine avec toi ?
-
Bien sûr, elle est venue depuis son pays lointain
pour ça, pour me suivre.
-
Et le vilain senhor Paprika aussi, y vient ?
- Ne lui en veux pas trop Chouquette, il vient de
perdre tous ces animaux. Il est encore sous le choc. Le cirque va sans doute
fermer, il n’a plus rien au monde, car son ours aussi a disparu. Imagine un
seul instant que tu perdes d’un seul coup tous tes camarades de classe ;
tu serais triste n’est-ce pas ?
-
Tu parles, ça serait bien trop beau tio Lars. Todos
idiotas !
-
Ne dis pas ça ! Ce n’était pas le bon exemple.
-
Alors toi aussi tu veux disparaître, comme
papai, comme o senhor Kaplic, et comme o senhor Bartt ?
-
Pourquoi dis-tu ça ?
-
Parce que vous aussi, vous êtes trois.