14-L’édition des œuvres de Roberto Bolano peut rendre compte de la vie de Bolano, ses lieux d’existence, l’expression de son « courage » etc. Le courage, vertu si opposée et en même temps si proche de la lâcheté, on l’a abordé. Bolano ne découvre pas le courage en étant papa de deux enfants. Mais ce fait lui donne vision de « la patrie » ! La patrie, ce n’est pas les ancêtres, ce sont les deux jeunes enfants qu’il eut de sa compagne et qu’il quittera, emporté par la maladie à l’âge de cinquante ans. Sa façon d’éditer et les revenus qu’il pourrait en escompter seront, à la fin, profondément liés à cette patrie. Au moment de leur écriture, par exemple, les quatre récits composant « 2666 » ne devaient pas être édités ensemble mais séparément. La maladie et l’urgence pour « la patrie » l’ont décidé à assembler le tout pour édition. Il n’y a pas d’enfants de la patrie, il y a la patrie des enfants. Comme Schwob et sa croisade des enfants.
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Deux poèmes pour Laurato Bolano
Lis les vieux poètes
Lis les vieux poètes, mon fils
et tu ne le regretteras pas
Parmi les toiles d’araignées et les planches pourries
de bateaux échoués au Purgatoire
ils sont tous là
et ils chantent !
ridicules et héroïques !
Les vieux poètes
Palpitant dans leurs offrandes
Nomades ouverts de haut en bas et offerts au Néant
(mais eux ne vivent pas dans le Néant,
Ils vivent dans les Rêves)
Lis les vieux poètes
Et prends bien soin de leurs livres
C’est un des rares conseils
Que peut te donner ton père
Bibliothèque
Livres que j’achète
Entre les pluies étranges
Et la chaleur
De 1992
Et que j’ai déjà lus
Ou que je ne lirai jamais
Livres pour que mon fils lise
La bibliothèque de Laurato
Qui devra résister
A d’autres pluies
Et à d’autres chaleurs infernales
--- Ainsi donc, voici la consigne :
Résistez, chers petits livres
Traversez les jours comme des chevaliers médiévaux
Et prenez soin de mon fils
Dans les années à venir
Les livres que l’on a lus à nos enfants ont tous pris soin d’eux.
Copie du magazine Playboy en langue espagnole daté luillet 2003
C’est juste avant sa mort, dans un entretien au magazine « Playboy » et avec le panache infraréaliste de ses débuts que, à la question « Qu’est-ce que la patrie pour vous ? » Roberto Bolano fait la réponse suivante :
« Je regrette de te faire une réponse plutôt ridicule et prétentieuse. Ma seule patrie ce sont mes deux enfants, Laurato et Alexandra. Et peut-être, mais au second plan, quelques instants, quelques rues, quelques visages ou scènes ou livres qui sont en moi et qu’un jour j’oublierai, ce qui sera le mieux qu’on puisse faire avec la patrie. »
- Le village dont la patrie est un enfant - (Monument aux morts de Gentioux dans le département de la Creuse )