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dimanche 16 août 2020

Quatorze stations jusqu'à Cakya Mouni : 5

 



Cinquième station : L'oracle du Cacochycoq


  

L'oracle du Cacochycoq  techniques mixtes sur toile 81 x 100 cm


Dans le village qui a vu naître Nunki Bartt en artiste, eu lieu, au jusant du siècle dernier, un procès retentissant, ourdi et présidé par le maire, qui opposa l’ensemble des villageois à un vieux coq. On le disait sénile, bon pour la casserole, lui reprochant d’avoir perdu le contrôle des heures, pourtant ancré dans sa nature de coq de basse-cour, et de chanter à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, empêchant ainsi la populace de réfléchir ou de fermer l’œil. L’empressement des détracteurs à calomnier est imparable, mais la fureur émolliente qui pousse les thuriféraires à aboyer avec les loups reste un mystère à ce jour. Ainsi, on baptisa l’oiseau au sol du nom de « cacochycoq », plus à cause de ses cocoricocouacs intempestifs, que de son âge vénérable. Bref, le coq était sur la sellette, et il risquait fort de finir dans la vinasse, si un chevesne, à peine adulte, tout fraîchement sorti de la rivière, n’eut pris sa défense. Devant le premier magistrat médusé, il se désigna lui-même avocat d’office,  en interprétant au plus juste toutes les paroles de l’accusé. C’est alors qu’on comprit, grâce à la traduction psalmodiée du jeune chevesne fraîchement pêché, que le dérèglement du chant du vieux coq était en vérité un avertissement, une sérieuse alerte. Pour le chevesne, il était clair que Pacha Marius, le coq du père Tricoche, voulait les prévenir d’une catastrophe imminente, qui toucherait bientôt, bien au-delà de ses frontières, le village tout entier, maintenant que le mal était partout, « Urbi et orbi ». Et le coq, à l’écoute des psalmodies du poisson argenté, versait des larmes de joie, exhortant la populace à le croire, même si, semble-t-il, tout était déjà perdu.

C’est Tricoche lui-même qui fut chargé d’occire son coq avec un tromblon qu’il tenait de son aïeul, tombé pour la France, au Chemin des Dames. D’aucun n’en voulant pour son repas, on l’enterra au lieudit « Jaumangé », à l’écart du village, plus par superstition que pour raisons sanitaires. En langage berricon-poitevin, le jau signifie : le coq. Ça tombe bien. Un vieux proverbe dit aussi, que « lorsque le jau est mangé, les poules sont veuves. »

Le chevesne argenté fut relâché et rendu à la rivière. Il psalmodiait de plus belle les paroles du coq qui ne chanterait plus. On dit que des roses lui sortaient des ouïes. La population avait reçu l’ordre formel de pas le pêcher. C’est pourquoi, aujourd'hui encore, les fleurs en choux prolifèrent et font la renommée du village, gagnant, chaque année, le concours du plus beau village de notre chère nation.


Miguel Gomes – “Les Mille et Une Nuits” (coffret DVD) | Culturopoing

Les milles et une nuits de Miguel Gomez 2015   Volume 1 : "L'inquiet"    Le procès du coq ceint d'un bavoir.