lundi 4 janvier 2021

La cyber diffusion baxteriène présente : Unicorn 1

 


Un récit d'anticipation de treize épisodes à la douzaine signé maestro & nunki Bartt
                                                                                                                      


Premier épisode


I

Les visiteurs

 

c’

est, à ce qu’il paraît, en l’espace de plusieurs nuits que les transurbences se sont répétées, au cours de processions chaque fois plus importantes. Une fois, le veilleur de nuit d’un hôtel a cru apercevoir un petit groupe de canis lupus faméliques, qui louvoyaient aux abords du métro Mouton Duvernet. Une autre nuit, c’est un livreur à vélo de chez Uber eat© qui jura ses grands dieux avoir croisé, à 4 heures du matin, une troupe de fauves, des lions ou des tigres (il ne sût pas les distinguer), affirmant qu’ils se déplaçaient rapidement, mais sans courir, en direction d’Issy ou d’Ivry. En tout cas il est certain qu’ils quittaient la capitale. 


« Les villes sont de villes bordées de nuit et peuplées d’animaux qui marchent sans bruit… » Il y eut bien, au début, quelques inconscients pour les détourner, ou pour les contenir, en tentant de les capturer avec des méthodes inadaptés, voire suicidaires. On peut dire que ceux-là eurent beaucoup de chance, car les bêtes ne s’en soucièrent pas plus qu’un poisson d’une pomme. « Toujours dans votre dos, la peur vous suit… » Mais, au cours de la troisième nuit, alors que les gens, terrorisés, restaient cloîtrés chez eux, des snippers isolés commencèrent à les tirer au coin des rues, faisant parmi elles de nombreuses victimes. C’est à la suite de cette nuit meurtrière que le Préfet de police de Paris instaura le couvre-feu, interdisant formellement, sous peine de déportation à la ménagerie de Vincennes (désormais vidée de ses pensionnaires), de s’interposer puisque, de toute évidence, les animaux ne présentaient aucun signe de comportement, comment dire, « hostile ». Quand la onzième ou la douzième nuit, les grands mammifères herbivores emboîtèrent le pas des prédateurs, lors d’évasions toutes aussi mystérieuses que spectaculaires, l’éthologue et poète Lars Faber (surtout le poète), supposa qu’en s’évadant des parcs, des réserves, des abattoirs, des zoos, et bientôt des cirques, les animaux nous fuyaient afin de s’affranchir de notre triste réalité.

                                               


      

 Lorsque vous m’avez téléphoné, hier au soir, Monsieur le direktor Papiak, je ne voulais pas y croire, mais je ne serais pas honnête avec vous si je vous disais ne pas connaitre les raisons de votre affolement…

-  Une affaire considérable Faber, pour le monde entier et pour le cirque en particulier, vous verrez, on en reparlera !

-  Essayez de vous calmer Monsieur le direktor, et asseyez-vous, je vous en prie. Racontez-moi, racontez comment c’est arrivé, depuis le début.

- C’est une catastrophe ! Mes hommes et moi-même n’avons pas encore fait l’inventaire complet, mais je suis en mesure de vous dire que 60% de mes animaux m’ont été volés ou ont disparu. Il ne reste que les chiens et les chats du personnel, ainsi que les reptiles de la contorsionniste bhoutanaise, quelques inséparables dans leur cage, qui eux ne sont pas partis, et on se demande bien pourquoi…

-  Et votre ours danseur comique ?

-  Hélas ! Envolé lui aussi !

Faber s’était levé et dirigé vers la fenêtre, soit pour y prendre l’air, soit pour s’y pencher. Il montrait des signes d’impatience.

- Vous ne dites rien Faber ! Ça vous la coupe, hein, ou bien on jurerait que ça vous ne surprend pas ! A croire que mon histoire vous laisse indifférent…

-  Je suis désolé Monsieur le direktor. Quelle heure avez-vous ?

-  Eh ! bien, il est déjà cinq heures, pourquoi? 

-  Vous devez avancer, moi j’ai moins cinq

-  Ma montre, Pan Faber, est réglée sur l’horloge de l’observatoire royal de Greenwich depuis trente ans. Elle me vient de mon père, le général.

- Je vous demande pardon. Vous savez que j’avais une très grande admiration pour votre père, le général, le fondateur du Cirque Aram Papiak© ! Enfant, mon père m’emmenait voir le plus grand cirque du monde, quand il s’installait pour un mois, à Berlin ouest. Des générations entières de gamins ont vu les exploits d’Horace le rhino, et de Primoz, l’ours clown et danseur étoile.  Mais elle ne devrait plus tarder à arriver à présent…

-  Qui ça, attendez-vous une autre personne ?

-  Oui, et elle m’a promis d’être ici à cinq heures tapante. Depuis que je la connais, je ne l’ai jamais vu arriver en retard à un rendez-vous.

-  Et d’où sort-elle ?

-  De Montréal, mon cher   

-  Kurwa mać !

Au 1534 boulevard Saint Laurent à Montréal, comme au 28 boulevard des Italiens dans le 9ème arrondissement à Paris, on  peut trouver deux commerces de bagages et d’articles de maroquinerie, dont la ressemblance, à l’exception des enseignes, est stupéfiante. Bien qu’il ne s’agisse pas de franchises internationales, on peut recenser, d’un côté du monde comme de l’autre, les mêmes entassements de sacs à mains, les mêmes valises trolley d’une solidité à toute épreuve, encombrant le trottoir, cette fois encore, d’une largeur similaire, ici comme là-bas. Rien ne diffère à première vue dans l’aspect de ces deux boutiques. Le jour de ses 18 ans, Jasmine Tremblay, étudiante à l’Académie de danse de Toronto, entre « Aux belles voyageuses » au 1534 boulevard Saint Laurent en compagnie de sa tante Myriam, qui a insisté pour lui offrir ce sac « week-end » du tonnerre, en  basane blanc. Alors que la tante Myriam est occupée à discuter du prix en espérant obtenir un spécial, Jasmine entend au fond du magasin un bruit irréel. Sans hésiter, elle s’aventure jusque dans la réserve, d’où il semble provenir. La réserve, étant plongée dans une obscurité totale, elle se heurte à des boîtes de marchandises qui encombrent le plancher. En caressant les murs, elle pense avoir trouvé l’interrupteur, quand elle saisit un levier rouillé qu’elle abaisse accidentellement en perdant l’équilibre, dérangeant un monte-charge obsolète. Le bruit irréel s’intensifie en lieu et place du monte-charge. Le bruit est blanc. Elle embarque presque machinalement sur la plateforme, poussée par une irrésistible curiosité. Le monte-charge s’ébranle et descend, à ce qu’elle croit, au deuxième sous-sol. Quand la machine s’arrête, elle voit jaillir du fond du magasin une lumière éblouissante, qu’elle prend pour les néons violents d’une des nombreuses entrées du Reso, la ville souterraine de Montréal. Elle traverse encore tout le magasin sans trouver la tante Myriam ni la vendeuse, mais une autre vendeuse et d’autres clients. Une fois dehors, déconcertée, elle est sur le trottoir devant le « Bonjour Paris !», au 28 boulevard des Italiens. Déjà, au coin de la rue, un homme, qui n’était plus de la folle jeunesse, l’observait. Il lui souriait, entonnant les quelques paroles d’une chanson : The safe way is the only way. Cet homme, c’était Lars Faber.





-  Pourquoi n’iriez-vous pas ouvrir, Medved ? C’est pour vous, je crois.

-  Comment ça pour moi ? Avec vous, il faut s’attendre à tout, n’est-ce pas Faber ?

Papiak n’en croyait pas ses moustaches. Face à lui, sur le pas de la porte, avec pour tout bagage, son vieux sac week-end en basane blanc, Jasmine Tremblay, danseuse vedette des « Grands Ballets du Canada de Montréal » lui souriait, en mâchant du chewing gum.

- Alors, c’est vous panna Tremblay, celle qui peut traverser l’atlantique comme on traverse la rue ! Gówno, comment diable est-ce possible ?

- Il suffit de suivre la piste du cuir, monsieur le direktor. A ce propos, comment va Primoz, mon nounours préféré ? Danse-t-il toujours comme un dieu ? Vous ne répondez pas ? Vous m’inquiétez, Medved ! Ne me dites pas …



A SUIVRE

 




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