lundi 11 janvier 2021

La cyber diffusion baxteriène présente : Unicorn 3

 

Un récit d'anticipation de treize épisodes à la douzaine signé maestro & Nunki Bartt




Troisième épisode



La nuit, qui avait pris de l’épaisseur, s’était levée du mauvais côté de la rationalité, enfin telle que la concevait Faber. Pendant que les ombres recouvraient d’oripeaux lugubres les façades lépreuses et moroses du quartier Bonne nouvelle, Faber songeait que Jasmine Tremblay avait démontré que les créatures marines semblaient irrésistiblement attirées par cette licorne que l’on appelait le Pirassoupi. La "petite" comme la surnommait Papiak, s’était endormie sur les genoux du dresseur qui attendri, la caressait tendrement, sous le regard ému de Faber qui s’aperçut qu’il bandait. Il avait toujours été fidèle au 9E arrondissement, au quartier Bonne Nouvelle, à la rue de la Lune, au triangle magique: Le Beverly, Le Grand Rex, Le Brady et quand bien même, son esprit semblait toujours flotter au-dessus de « l’action, ce cher point du monde », il désespérait que rien ne changeât dans sa vie de chercheur, alors que c’était la condition sine qua non pour la survie d’un esprit sagace, toujours épris de mouvement et de nouveauté. La séance, après quelques verres de vodka supplémentaires, avait été ajournée, alors que Jasmine dormait comme un bébé sur le sofa, et que Faber, attentif, avait pris soin de recouvrir de sa couverture de survie avant d’éteindre. Au moment d’aller se coucher, le direktor Papiak avait à son tour, distraitement, demandé l’heure au docteur Faber. Manifestement, ils n’étaient toujours pas tombés d’accord sur la concordance du temps qui régissait leurs mouvements propres.




« Dans la nuit du 22 novembre dernier, alors que l’ « Athéna », (enregistré au port de Paratii, et commandé par le patron de pêche Oliveira Nelson), avec à son bord douze marins pêcheurs, entamait son retour vers la baie de Carioca, les marins remontaient le filet pour la dernière fois quand un incident s’est produit sur le pont. La poche, selon le commandant Oliveira, a non seulement charrié plus de poissons qu’il n’en avait jamais vu, mais il affirme que le chalut contenait autant d’espèces marines comme le calamar géant, la pieuvre, le poisson lune, le requin baleine et des dauphins en quantités suffisantes pour remplir l’Aqua Rio. Alors que des hommes tentaient de remettre à la mer un calamar géant très agressif, un marin a été grièvement blessé, tandis que deux autres ont abandonné leur poste sans explication. Le patron Oliveira a aussitôt lancé un SOS à 22  heures 35, car le navire prenait beaucoup trop de gîte à cause du poids invraisemblable de la production de pêche. A  23 h 18, le commandant Oliveira a lancé un second SOS, croyant que les deux marins manquant à l’appel, étaient tombés à la mer. Les gardes côtes ont alors détourné le « Marquinho », un côtier qui remontait des casiers  dans la baie de Carioca. Après une nuit de recherche, à 8 h 36 du matin, les deux marins pêcheurs de « L’Athéna » ont été considéré définitivement perdus. Il s’agit de Vasco Coelho, 32 ans, et de Mario Sà - Carneiro, 25 ans. Prions pour leurs âmes. »

-          Medved, allez, nom de dieu ! goûtez-moi ces fameuses confitures de sureau, il y a des croissants, des œufs à la coque, du bacon, des beans. Ne vous privez de rien, resservez-vous du thé. Et s’il n’y en a plus, je peux en refaire. Alors, mademoiselle Tremblay, ça ne va guère mieux, on dirait…

-          Oh ! Je vous en prie Lars, parlez-moins fort. Pourquoi nous avoir fait nous lever si tôt ?

-          Parce que cette nuit, sans jamais pouvoir fermer l’œil, j’ai repensé à cette histoire de l’ « Athéna » et aux deux marins disparus en mer. J’ai épluché tous les articles qui traitaient du sujet à cette époque. Jasmine, je veux vous entendre prononcer le nom de ces pauvres marins, pour que nous soyons bien d’accord, tous les trois.

-          C’est vrai Panna Jasmine qu’hier, si la mer avait été une soupe de champagne, je ne donnais pas cher de ses eaux !

-          Vous êtes sans pitié Lars, de vouloir me replonger dans cet affreux cauchemar (…) Le lendemain matin, au changement de quart, il manquait Vasco, Vasco Coelho, c’était le père de deux enfants, et il y avait ce jeune homme, auquel je m’étais attachée. Il écrivait des vers avant d’aller dormir ; un marin pêcheur poète, oui, je crois que c’est possible. Il s’appelait Mario Sà-Carneiro. Je me rappelle ses beaux yeux noirs, profonds, mystérieux. Le Pirassoupi…

-          Parlez-vous le portugais, Jasmine ?

-          Pantoute, Lars, mais nous avons prévu dix dates pour « Variétés V » cet été à Lisbonne, à la fondation Gulbenkian. Je comptais m’y mettre…

-          Et vous Monsieur le direktor Papiak ?

-          Ani trochę !

-          Alors cette nuit, j’ai vérifié la liste des noms de tous les hommes d’équipage présents à bord de l’ « Athéna ». Tous ont des patronymes tout à fait communs, comme Simoes, Da Silva, Rodriguez, Lourenço, Da Cunha…

-          Dites-nous où vous voulez en venir Faber, plutôt que de tourner autour du pot.

-           J’y viens Medved : tous, sauf ces deux malheureux qui ont disparu en mer, Coelho et sa-Carneiro. Or, en portugais, Coelho signifie «lapin» et Carneiro «mouton ».

-          C’est complètement ridicule, głupi !

-          Au contraire, monsieur le direktor Papiak, Lars a mis le doigt dessus ! Et ça expliquerait pourquoi ces deux marins ont été attirés par le pirassoupi et pas les autres. Mais j’insiste, Lars, ils n’ont pas disparu en mer. Ce qui est arrivé dans la nuit à toute la pêche stockée dans les cales leur est arrivé de la même manière. Le pirassoupi les a assimilés

-          Autrement dit phagocytés, comme des cellules ?

-          Exactement Lars !

-          Mais que deviennent tous ces individus qui portent le nom d’un animal quand ils ont été, disons, « digérés » ; est-ce qu’ils meurent ?

-          Je ne sais pas. Il faudrait pouvoir observer une licorne, ou bien la capturer …

-          Vous êtes aussi fous l’un que l’autre, kurwa mać !

-          Merde ! J’allais oublier la petite. 

Sans précipitation, Faber se saisit d’une gaffe de marin, et la dirigea, le crochet vers le plafond où l’on pouvait à peine distinguer une découpe qui dessinait l’embrasure d’une trappe. Il visa au plus juste un bouton à peine visible, encastré dans le caisson en bois du plafond. Aussitôt, la trappe bougea, puis s’inclina comme l’aurait fait la nacelle amovible d’un petit avion de tourisme. Une passerelle de six marches apparût ainsi que la bouche béante de ce qui semblait être une chambre à coucher.

-          Tu descends prendre ton « früshtück » querida ? Laisse le boa là-haut, n’emporte que la salamandre, tu veux ?

Jasmine regardait Faber avec des yeux de merlan frit. Quant au direktor Papiak, il se remettait à peine de la théorie du phagocytage des deux marins pêcheurs, quand il vit descendre une petite créature en pyjama, haute comme trois pommes, à la peau brune, avec des cheveux dorés hirsutes, et qui mâchouillait, en guise de doudou, une salamandre en caoutchouc. « Viens dire bonjour, Chuca ! Depuis hier, nous avons de la visite. Nous ne t’avons pas dérangée, j’espère ?

 Le direktor Papiak stupéfait, se leva brusquement.




A SUIVRE



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