Tu es accaparée par ton militantisme rageur, par ta recherche constante de nouveaux appuis chez les puissants, tu n'as guère le temps de te réinscrire dans un autre collège, d'ailleurs tu n'en as pas envie, quand bien même la direction du collège Villekulla t'ait réhabilitée grâce, semble t-il, à une pétition des élèves qui t'ont majoritairement soutenus. Faut-il chercher la véritable raison de ce retournement dans le fait que tu représentes une manne, autant pour l'équipe pédagogique, que pour les chaines de télé qui viennent t'interviewer. Quand on te filme, on filme le collège, et depuis que les médias se sont emparés de ton image, le collège de Villekulla est devenu plus célèbre que Poudlard. Tu suivras des cours par correspondance avec le programme "Horizontal Word" et pour compléter ta formation, ta tante Astrid t'enseignera la littérature classique et contemporaine. Elle est forte ta tante Astrid, elle va te mettre entre les mains tous les chefs d'œuvres de la littérature depuis le seizième siècle. Et pourtant, parmi toute cette masse d'ouvrages, tu n'en retiendras qu'un : "Le quatuor d'Alexandrie " de Lawrence Durell, qui t'accompagnera tout le long de ta courte vie.
Ce cher Lawrence |
Voulant vous rendre, depuis New-York, sur le continent heureupéen pour assister à la COP 24, qui en cette année du Chien, à lieu en Cimmérie, ton père et toi, à commencer par Sven, qui est bon marin, acceptez de faire la traversée sur un catamaran de catégorie IMOCA, Giglio II ,sans en percevoir les dangers. Pourquoi le bateau ? Parce que vous avez une peur bleue de l’avion. Le catamaran est barré par l’ex capitaine du Costa-Concordia, Francesco Schettino, et va filer à une vitesse effroyable de 12 nœuds de moyenne, traverser six dépressions, dont une voatsiperifery de type III* sur l’échelle de Tiberghien. Pendant que Sven rédige, en plein cœur de l’ouragan, son testament dans lequel il déclare, je cite : « tout donner à ma fille chérie si jamais elle s'en sort », toi, tu vas nourrir les goélands pendant les douze jours de la traversée, préparant, là, sans aucun doute, le matériau d’une prochaine vomit war que tu mènes depuis trois ans déjà, et dont tu as le secret.
Le capitaine du Costa Concordia honoré à Québec, l'année du Porc |
Tes opposants les plus féroces en profitent pour publier de nombreuses fake news sur la toile, parlant d’un naufrage au large des Açores, et d'une noyade dans des conditions tragiques. On va même jusqu’à dégrader la page qui t'es consacrée sur Wiskypeia.
«Le 28 Août de l'année du Chien, Martha Lundqkuist (sic) est retrouvée morte, noyée, sur son trajet vers la Cop 24, à Biarritz, France. RIP si c'est triste.», a-t-on pu lire durant quelques secondes. Un autre internaute a en effet rapidement supprimé cette fausse information - Whiskypeia permet à tout un chacun de modifier un article - mais la fausse rumeur s'était déjà propagée sur les réseaux sociaux.
Martha Lindkquist, militante écologiste, est arrivée ce mercredi à 10h, heure française, à La Rochelle
Et quelques dizaines de minutes plus tard, ta biographie a de nouveau été modifiée durant quelques instants, avec le texte suivant : «Martha Lindkcuisse (sic) meurt malheureusement le 28 août de l'année du Chien lors de son approche du port de La Rochelle, happée par un thon géant. Mais justice sera faite, moins d’une demi-heure plus tard, des pirates japonais harponnent le poisson avant de le servir cru à l'Empereur. Le président Lee a félicité son homologue japonais pour sa réactivité.» Un récit surréaliste qui semble avoir été pris au premier degré par certains internautes particulièrement crédules.
Wiskypeia a fini par bloquer les modifications sur ta page, au moins jusqu'au 5 septembre.
La jeune daimoise est plus en forme que jamais, après avoir achevé sa traversée de l'Atlantique en voilier pour assister à un sommet en Cimmérie, "patrie de l'ombre et des tourbillons."
Fin du FOCUS
"L'amour n'est rien de plus qu'une sorte de langage de la peau, et le sexe pure terminologie"
Invitée lors d’un sommet à Paris, pour une réunion parlementaire sur le climat, tu apparais à l’assemblée nationale dans une robe noire moulante, sous laquelle tes jeunes seins pointent inutilement, ce qui émeut le jeune activiste altermondialiste, Camille Ancelin, autiste Asperger, comme toi. Camille est un écologiste en couverture car, en réalité, c'est un black block violent et redoutable. Il vient d'avoir 23 ans, crèche toujours chez ses parents en Normandie, et c'est un hackeur chevronné (il a pu s'introduire dans le réseau administratif de son lycée pour y falsifier toutes ses notes afin de s'attribuer une moyenne de A+. Lors d'un vol Paris-Montréal sur lequel il était enregistré, il a sur les coups de 24 h (heure locale), avec un téléphone de marque nord-coréenne, changé le film diffusé sur les prompteurs, et tout ceux qui étaient encore éveillés, ont vu à la place de Die Hard 3, un film X avec Mona Blue, Virgin's experiences, dont il avait monté le son à bloc). Il est reconnu pour organiser régulièrement des cleanwalks pour le troisième âge sous le nez de Jobourg. Mais le garçon a sa part d'ombre. Le passage des plages du débarquement au détecteur de métaux pour y trouver du matériel explosif en état de fonctionner, c’est lui aussi. Les sittings de désobéissance civile, les poignets enchaînés aux colliers de bullmastiffs non vermifugés et démuselés, c'est toujours lui. Il aimerait t'inviter à participer à un projet fou: organiser la plus grande cleanwalk, jamais entreprise au monde, sur le littoral frankie, de Berk-plage à Menton. La gageure est à la taille du garçon, qui s’est déjà distingué en se faisant passer pour un poète venu à l'Alliance frankie de Singapour, en cette nouvelle année du Chien, alors qu'il n'y était pas invité, pour déclamer des poèmes écologistes de son cru, traduit simultanément pour le public, en mandarin et en tamoul, tel ce poème qui a reçu le prix François Cheng, d'une dotation de 5000 dollars de Singapour, soit environ 3400 heureus :
Ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding, dong ?
Un poireau, une laitue, une carotte
La carotte dans la marmite
Le poireau et la laitue dans la casserole
- Mais que font cuire mes parents ?
Le chat s’effraie à l’odeur
Et mon père et ma mère deviennent plus menaçants
C’est la crainte pour le chien
Il aboie un dernier coup
Et se meurt
Ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding ding, dong !
Ton compte Twitter est bombardé des messages de Camille, te suppliant de parrainer sa cleanwalk nationale, qui aura lieu l’été suivant (aux différents messages, il joint son C.V, chaque fois revu et augmenté). De guerre lasse, tu acceptes que ton nom apparaisse sur le communiqué de presse du projet baptisé : "Sous les balais, la plage", mais, impressionnée par la persévérance du franka, tu lui promets d'y participer en personne. Tu te souviens que jadis, sur les côtes du royaume du Daim, ton grand père maternel t'emmenait ramasser du bois de plage, des coraux, des galets, du goémon, autant de matériaux qui lui serviraient à la construction d'une nouvelle maison 100% putrescible, qu'il destinait à des réfugiés climatiques. Ainsi, tu twittes que l’idée de passer des heures sur les plages frankas à les débarrasser des déchets de la pollution de la mondialisation te ravie; tu ajoutes que tu ne veux en aucun cas être la dernière à en mettre un coup, que tu es prête à chausser les birkenstock s'il le faut, à aller jusqu'à ramasser les boulettes d'hydrocarbures qui se déversent chaque hiver sur le littoral franka. Camille, fou de bonheur, à l'idée de voir son égérie en chair et en os (il se masturbe, (uniquement pour la chair), à une fréquence de cinq fois par jour en matant tes gougouttes qui pointent à travers ta petite robe noire sur ton portail Facebook), fait mine de ne pas relever cette ineptie. Il vient de comprendre qu'il est tombé éperdument amoureux, quitte à prendre le risque d'avoir affaire, peut-être, à une authentique conne.
A SUIVRE
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* Le 26 août de l'année du Chien, alors que Giglio II est pris dans une nouvelle dépression, Martha note dans son journal intime. " Je lisais, pour oublier notre sort lamentable, un rapport du GIEC sur la disparition des effets du Golf Stream sur les différents climats du continent européen, tout en mordillant une sucette, que Francesco m'avait offerte, je veux dire le capitaine Schettino, quand tout à coup, j'entends un barouf indéfinissable qui vient de l'extérieur; c'est comme si nous avions heurté une baleine ou un bestiau de cette taille; j'appelle Sven, mais pas de réponse ! Alors, évidemment, je remonte sur le pont pour voir quel nouveau grain se préparait, quand, cherchant des yeux le capitaine, je l'aperçois, suspendu au grand mat à dix mètres, au moins, au-dessus du pont, gigotant grave; je l'appelle pour lui demander s'il a vu mon père, mais le capitaine Schettino m'ordonne de retourner immédiatement dans la cabine, et il a pas l'air de rigoler. C'est alors que j'ai vu l'indescriptible. J'ai cru que le cata était monté sur ses foils, ce qui avait généralement pour effet de le faire voler comme un oiseau marin au-dessus de la mer, mais non; nous étions juste perchés sur la crête d'une vague gigantesque, trois fois plus haute que la vague de Nazareth ! Le bateau était littéralement en suspension sur la bosse, sans jamais vouloir en redescendre; elle maintenait le catamaran sur son dos et nous roulions irrésistiblement, comme Petitjean sur sa bille de bois ! Le capitaine était baladé dans les airs; un Kevin embarqué sur le Maxximum, et il criait "Mama mia, ho paura !" Quand, au lointain, m'est apparue une cité blanche avec des voiles ou des nappes comme autant d'autoroutes lumineuses. Le ciel au-dessus de la ville blanche était rouge, chargé des grains de sable du grand désert. J'ai eu comme l'impression de reconnaître les villes de demain. C'était très stylé ce truc ! Enfin, le Giglio II est redescendu et s'est affalé sur la surface de l'eau, explosant son safran, et nous avons été projetés Francesco et moi sur le pont (j'avais super mal au cul). Quand j'ai recouvré mes esprits, je suis descendue dans le cockpit, à la recherche de mon père, je l'ai appelé, sans obtenir de réponse. Enfin, j'ai découvert mon pauvre petit papa, la tête enfouie sur la bannette du capitaine, comme en prière. Je lui ai dit : "Tu crois vraiment que c'est le moment de prier ?" Je savais mon père très pieux, mais de là à le découvrir recueilli en pleine tempête, y avait un monde. Il m'a répondu, très calmement, qu'il rédigeait son testament parce qu'il était persuadé qu'il pouvait n'y avoir qu'une seule personne, désignée ici-même, pour s'en sortir, et qu'en l'occurrence, ça ne pouvait-être que moi ! Qu'il ne voulait pas me voir finir en sushi. Il me répétait sans cesse que j'étais née sous la bonne étoile.
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