mardi 9 février 2021

La Cyber diffusion baxteriène présente : Unicorn 9


    UNICORN 9


                           

          


"Apprend moi à danser
à mouvoir mes mains dans le coton des nuages
à étirer mes jambes attrapées par tes jambes "

      
 Medved était excité comme une puce, à l’idée de danser avec son égérie. C’est comme ça qu’ils dévalèrent, ensemble, les pentes escarpées du causse, en se tenant par la main et en tournant comme des mômes en récréation. Jasmine leur montra comment, en balançant une fois sur deux la jambe d’appel, on pouvait varier le temps de la danse. Le dompteur retrouvait l’allant de sa jeunesse, alors que Lars avait l’air ailleurs. La raison de son trouble n’avait pas échappé à Jasmine qui, bien qu’elle eût préféré que Lars eût davantage la tête à la danse, ne lui en voulut pas de se préoccuper principalement des traces d’animaux. D’ailleurs, elle aussi, avait les yeux rivés au sol. Mais comment aurait-elle pu reconnaître des empreintes de licorne, elle n’en avait jamais vues ? Seulement, en son for intérieur, elle savait que dès qu’elle les verrait, elle les reconnaîtrait. La ronde se changea en un fest-noz et ils ne se tinrent plus que par le petit doigt, mais comme on n’arrivait à rien de bon avec ça, on s’arrêta au bout de cinquante ares parcourus. Et Jasmine proposa à chacun, maintenant qu’ils s’étaient bien enfoncés dans le bois d’Itar, de produire un solo de leur choix. Medved n’hésita pas une seconde, en choisissant de danser dans les pas de son maître Nijinski et de son célèbre « prélude à l’après-midi d’un faune », sur la musique de Debussy, rôle qu’il n’aurait jamais osé aborder, même du temps où il dansait au Bolchoï. Lars, dont la culture en ce domaine laissait à désirer, se lança dans un jerk tonitruant qui fit tordre de rire Jasmine, mais le poète, piqué au vif, et loin de se dégonfler, exécuta un entrechat à la Serge Lifar qui laissa littéralement les deux autres sur le cul. Elle, galvanisée par ce zèle nouveau, par cette désinvolture sublime, choisit un solo de Biped, une pièce de Merce Cunningham. Cette chorégraphie faisait l’éloge de l’angle dans tous ses états, de la première phalange de la main au dernier métatarse du pied. Ils la virent ouvrir une cuisse dans un angle droit d’une radicalité inouïe, (comme un footballeur qui s’échaufferait les adducteurs avant un match), puis observer sans transition, une rotation de 380 °, avant de s’immobiliser en cassant le poignet droit dans une inflexion archi hiératique. Medved Papiak était tout au contraire emberlificoté dans ses circonvolutions Ruscofs – il pavanait dans son est, mais en voulant effectuer une pirouette audacieuse, il trouva sur sa route un pin maritime, qui selon lui, n’avait rien à faire là. C’est dans les circonstances de cet accident de danse, qu' ils découvrirent les empreintes.                                                                     
- Qu’en dites-vous Medved ? Pour moi il ne fait aucun doute que nous sommes en présence d’un ours brun adulte et de petite taille. Un beau mâle d’au moins trois cent kilos…
- Tak ! mais je m’interroge Lars. Celui-là marche sur ses quatre pattes, sans différer, ni se relever jamais. Mon Primoz a pris l’habitude de marcher, tantôt sur quatre, tantôt sur deux pattes et surtout de sautiller, depuis qu’il danse, tantôt à gauche, tantôt à droite, à rendre fou un limier San ! Or, visiblement, cet ours-là… Non, attendez ! attendez un peu…
- Quoi Medved, qu’est-ce qui ne va pas ?
- Mon ours a subi une opération suite à un accident de cheval l’hiver dernier. Sa patte avant droite présente une anomalie depuis cette intervention. Il lui manque une griffe.
- Alors quoi, c’est votre ours oui ou non ?
- Regardez, l’empreinte, cette trainée sur le deuxième phanère, Mój Boże ! 
- Primoz, mon gros pépère d’amour !
- Nous pouvons encore arriver à temps Lars, avant qu’il n’entre en contact avec cette bête…                                                                        

Le direktor Papiak allait dire « dégueulasse », quand un râle ahurissant déchira le grand silence des futaies. Lars Faber, pétrifié, proposa de foutre le camp sur une chorégraphie de West side story (quand les Jets se débinent à l’arrivée des Sharks), quitte à perdre la face, mais plus rien désormais ne pouvait empêcher le dompteur de fauves Papiak de continuer, maintenant qu’il avait retrouvé la trace de l’ours le plus célèbre de la planète, de poursuivre Unicorn.

                                                                 



                                                                                III
                                                                           Unicorn

 

- N’avez-vous pas vu mes cigarettes Jasmine ?
- Parce que vous fumez maintenant, c’est nouveau…
- Mais je suis un poète, ma chère, pas un danseur, ni un sportif de haut niveau, et je me moque bien de la santé publique !
Ils s’étaient longtemps interrogés sur la nature du « cri » qu’ils avaient entendu. Faber avait laissé le soin à Jasmine de leur faire une proposition qui soit acceptable au regard de la science, un peu comme « on ouvre » à la pétanque en lançant la première boule en direction du cochonnet. Jasmine penchait volontiers pour un échassier, du type héron, alors que Faber lui, aurait parié sur le « Léon » du paon. A vrai dire, ce râle affreux, préhistorique, pour ne pas dire reptilien, ne pouvait appartenir au héron, puisqu’il vit essentiellement près des milieux aquatiques, et il était peu probable de trouver une héronnière dans un bois si dense, au couvert si bas, vu l’envergure des ailes d’un tel oiseau.
- … et puis le héron hue, il n’éructe pas. 
- Mais vous oubliez le dessin de Chuca, Lars ? Vous oubliez la présence, dans son rêve, d’un point d’eau, si j’ai bonne mémoire, où tous les animaux fugitifs viennent se désaltérer ?
- Non, je ne l’ai pas oublié Jasmine, j’y pense même bougrement ! Mais ce qui me conforte dans mon scepticisme, c’est que à aucun moment Chuca ne représente un grand oiseau râleur sur son dessin. C’est enmerdant…
- A moins que ce ne soit le cri de celle que nous recherchons, kurwa mać !


A SUIVRE …





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