mardi 3 novembre 2020

Itinéraire pour Cesarea (11/19 et demi)

11 Sans titre II

Dans la série « Prose de l’automne à Gérone », les  poèmes n’ont pas de titre. Ils paraissent obéir à  un système de  contraintes  simples : une rencontre, l’auteur, une chambre, un écran d’images, un paysage, des humains extérieurs … La réalité n’est pas lyrique, elle  semble se coincer dans cet écart et le poète observe.    


BaouBaxter station à Tours – collection particulière

299

Sans titre

Une personne te caresse, te fait des blagues, est douce avec toi puis ne te reparle plus jamais. A quoi fais-tu référence, à la Troisième Guerre ?  L’inconnue t’aime puis reconnait la situation abattoir. Elle t’embrasse puis te dit que la vie consiste précisément à aller de l’avant, à assimiler les aliments à en chercher d’autres.

C’est drôle ; dans la pièce, en plus du reflet qui absorbe tout (et de là le trou immaculé), il y a des voix d’enfants, des questions qui semblent venir de très loin. Et derrière les questions, je l’aurais deviné, il y a des rires nerveux, des blocs qui se défont peu à peu mais avant qui lancent leur message du mieux qu’ils peuvent. « Prends soin de toi. » « Prends soin de toi. »

 

« Le propre de la réalité est de paraître irréelle, incohérente » (Claude Simon, cité par David Dufresne). Si le calme tient le poème dans une sérénité apparente, il ne faut pas sous estimer le conseil de l’inconnue « Prends soin de toi ». D’ailleurs si on voulait mettre un titre à ce poème, quel serait-il : « Prends soin de toi.» ? « La troisième Guerre » ? « Une personne te caresse » ? « La vie consiste » ? « C’est drôle » ?

Le poète laisse venir à lui la réalité. Pour Bolaño et ses amis de Mexico elle était « infra », à la manière de ce qu’elle était, « sur », pour Breton et ses amis. Cette réalité est une action de réalité. Et c’est pourtant la question la plus difficile : « Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe existe, et ce qui n’existe pas n’existe pas : je t’invite à méditer cela. Tu ne forceras jamais ce qui n’existe pas à exister. » (Parménide cité par Clément Rosset). 


                        Joel Frémiot – Sans Titre (détail) – Aout 2015 – Rencontre des arts de Mers sur Indre

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