10 – Avertissement : ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit lors du printemps 2020, pĂ©riode du confinement en France interdisant les terrasses de cafĂ© et la promenade en bord de mer.
Il est des cadeaux qui contiennent des vitamines. Chacun pourrait repenser Ă un cadeau qui l’a relancĂ©, qui l’a remis en route de la vie. C’est une Ă©motion assez simple, qui vaut une seconde Ă©ternelle de temps mĂªme pas perdu, de temps mĂªme pas retrouvĂ©. Ce temps lĂ , on en oublierait la bribe d’un souvenir et on ne pourrait plus goĂ»ter le sel de la vie. LĂ , il se rappelle … Le poète se souvient « pour », un ami. Cet ami, avec qui il a Ă©crit une Å“uvre « Ă quatre mains », n’est pas tout Ă fait ordinaire puisqu’une lĂ©gende presque insĂ©parable de l’Å“uvre s’est construite dans une complicitĂ© difficile Ă Ă©claircir complètement. « Conseils d’un disciple de Joyce Ă un fanatique de Morrisson », tel est le titre de ce roman. Dans une prĂ©face datĂ©e de 2005, donc après la mort de Roberto Bolaño, l’ami en question, Antoni Garcia Porta Ă©crivain espagnol, tente de rĂ©vĂ©ler ou emmĂªler, chacun pourra juger suivant les strates d’explications, les conditions d’Ă©criture de cet exercice romanesque. La chose qu’on pourrait croire vraie est que l’Ă©loignement aurait servi la contrainte d’Ă©criture Ă quatre mains. Bolaño Ă©tait Ă GĂ©rone quand Porta Ă©tait Ă Barcelone. Porta tient Ă ce que Bolano soit le conducteur de cet attelage, mais le dĂ©but de l’intrigue Ă©tait de Porta. Peu importe, une amitiĂ© dans le travail artistique, cela ressemble bien Ă de la vitamine. Pour dĂ©montrer la bonne foi de l’entreprise, un photomontage prĂ©sente ensemble Joyce, Bolaño, Porta et Morrisson. Le titre est un pastiche du titre du poème « Conseils d’un ami de Marx Ă un fanatique de Heidegger » d’un autre des amis de Bolaño, Mario Santiago soi mĂªme. Oui, le tout premier de notre sĂ©rie, celui du poème de l’Ă¢ne, ou de la moto noire, comme on voudra. Dans ce prĂ©sent poème, apparait la figure d’Ana, hĂ©roĂ¯ne fĂ©minine du roman Ă quatre mains. La simple hĂ©roĂ¯ne romanesque Ă qui la vie du poète continue Ă faire une place vitaminĂ©e lui a envoyĂ© un agenda du vin. Bon
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Couverture des « Conseils …. » avec le photomontage regroupant Joyce, Bolano, Porta et Morrisson aux Ă©ditions Bourgois
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Pour Antoni Garcia Porta
Tes cadeaux m’ont Ă©mu
Ils ont été utiles et contiennent des vitamines
(Des enveloppes pour envoyer des lettres,
du papier Ă Ă©crire,
l’agenda du vin qu’Ana
a envoyé pour moi,
Ă l’occasion du fromage,
un yaourt, un pain au lait,
ces matins de printemps
oĂ¹ tu venais me rĂ©veiller
et oĂ¹ j’Ă©tais si mal,
des pommes, des oranges,
parfois un paquet de
Gauloises, quel luxe, des pointes Bic,
De bonnes nouvelles.)
J’Ă©cris ceci
Pour te remercier
Le poème « Molly » a pour nous, les sanitaires exclus sociaux, un parfum de merveilleux. Non seulement « c’est pas mal » Roberto, mais c’est encore bien mieux, c’est l’idĂ©e du bonheur absolu, le paradis terrestre comme si on y Ă©tait, la conversation en art vivant, que sais-je Roberto, tu ne nous croiras pas, on en rĂªve, de ces terrasses et des deux bières qu’on nous servirait. «Garçon, deux bières s’il vous plait ! Oui, pour Molly et pour moi ! »
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Molly
Une fille avec des livres
Et un sac Ă dos vert.
143 pesetas pour une livre irlandaise,
C’est assez, non ?
Ce n’est pas mal.
Et deux bières à une terrasse
De Barcelone.
Et des mouettes.
Ce n’est pas mal.
Et des mouettes, oui Roberto, ce n’est pas mal du tout. En croirais-tu tes yeux ? Croirais-tu que c’est inatteignable ? Non, tu ne peux pas le croire et tu n’auras pas Ă mettre cela en ta mĂ©moire. Et Molly est-elle lĂ , attendant avec nous que la terrasse ouvre ? Croire qu’aujourd’hui, ceci n’existe plus, personne n’aurait osĂ© l’imaginer.
« Adam et Eve » Ă l’Espace Paul Rebeyrolles d’Eymoutiers (23)
Courage, les exilés sanitaires, les réseaux tiennent bon, et le tunnel aura une sortie.....!
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