mardi 22 décembre 2020

Itinéraire pour Cesarea (15 /19 et demi)- Une nouvelle secte de philosophes

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            Dans un de ses tableaux, en son centre, le  peintre belge Ensor place son Christ   au milieu de la foule.  Oui, ce Christ est sur son âne,  mais il  semble complètement perdu. Ensor utilise les actualisations les plus imaginatives de la scène d’accueil de « Jésus roi de Bruxelles ».

L’entrée du Christ à Bruxelles, (2,5 x 4,3m)

Une fête laïque, un carnaval belge tiennent lieu d’entrée à Jérusalem. Les officiels sont à la tribune. Une grande banderole proclame « Vive la Sociale », et on y reconnait le drapeau  tricolore de la révolution française. Le socialisme, comme slogan,  serait-il une simple copie religieuse, une copie sectaire ? Bolano tourne une page, une page de laquelle il sort « en hurlant de pures saloperies ».

 

Une nouvelle secte de philosophes

            Ci-gisent les dépouilles du très illustre Michel de Nostredame, le seul d’après nombre de mortels, digne de transmettre les évènements à venir du monde entier, avec une plume quasi divine et en pleine relation  avec les influences des étoiles.

Anne Ponsart Gemelle (la femme de Nostradamus)

            Nostradamus Bolano est arrivé à Mexico comme le Christ d’Ensor à Bruxelles. L’Histoire était une affiche de la police, collée sur la porte d’une usine de voitures. Les filles pauvres cherchaient l’interrupteur dans des pièces obscures, et imaginaient que des mains désespérées leur attrapaient les seins.

            Et la lumière ne s’allumait pas. L’Histoire, un cri étouffé dans tant de cris qui débordaient la nuit d’une ville pardonnée. Et la lumière ne s’allumait pas. Ou bien s’allumait une heure après l’évènement.

            Il vit l’ampoule immobile dans la chambre recouverte d’affiches. Il vit les modernes rideaux déchirés et les persiennes que le vent fermait et ouvrait.

            Avec boussole, pistolet et fausses cartes, comme un pirate, il parcourut tout : en faisant de son tendre voyage sentimental une Illiade écrite par des romanciers génocidaires, des poètes couards et maigres, des dramaturges endormis.

 

            Dans le bois des femmes à cheval le saluaient de loin.

 

            La bouche rouge de la télévision disait : Nostradamus Bolano, une conjonction d’astres dans ton sandwich, et dans ton fauteuil de fleurs fanées, et dans ta bière que la vieille lune tiédit. C’est-à-dire, mon cher, que peu importe comment tu arriveras au Mexique, ou dans n’importe quel pays, si les sens sont intacts, si tu n’es pas capable d’ôter ta ceinture et d’entrer en courant comme un fou, en faisant tournoyer sa boucle dans l’air, en enfonçant les portes avec tes pattes, pour tuer le fou qui tient un pistolet dans sa main et une enfant étripée sur le lit.

            Il vit l’ampoule immobile dans la chambre pleine de photos. Il cracha par terre, les coins de la pièce l’avalèrent. Il vit les modernes rideaux déchirés que le vent soulevait et laissait retomber. Il descendit l’escalier – début de siècle – en hurlant de pures saloperies, en cherchant à grands cris un taxi dans la nuit.

Le titre, « Une nouvelle secte de philosophes »  est en français dans le texte. (N. d. T.)

 

 

            Avec boussole, pistolet et fausses cartes … Bolano n’est déjà plus de cette nouvelle « secte de philosophes », probablement un de ces mouvements  qui voulurent guider des révolutions en Amérique du Sud. Le poème révèle au héros une Illiade : cela commence comme une histoire d’amour et ce n’est qu’une guerre qui n’en finit pas, confinée tragiquement entre orgueils masculins avec « une enfant étripée sur le lit ».

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