Le livre gitan -3- Le gitan Socrate visité par Solange Clouvel
Solange Clouvel est autrice, érudite.
Elle rend visite à Socrate, créature de Platon. Grâce à elle,
restons dans la lignée du mythe du « livre gitan» de Bolano.
Avec quelques fantaisies qui ne sont pas de notre fait.
Photographie Joël Frémiot
A cet effet, prenons un sot-l’y-laisse, morceau de chair de la volaille rôtie, situé tout près du croupion, réputé pour son goût. Du moins, Solange Clouvel prend le dit morceau et en fait une « Dînette Socratique », « Le sot-l’y-laisse » (livre) étant édité aux éditions « Collodion » de Mers-sur-Indre (36). Tout part de la déconfiture d’Argos lors de la guerre du Péloponnèse et l’auteure engage sur le terrain de la métaphore culinaire impitoyable un débat « Socratique ». En face des « gros bras » de Sparte, les « mectons d’Argos » sont devenus soudain « foireux». Ils ont fuit et « Courage, fuyons ! » peut-il être philosophiquement admis ? Enfin, Platon a fait dire à Socrate dans son "Lachès" : « Nous n’avons donc pas trouvé, Nicias, ce que c’est que le courage », aveu qui est tout à son honneur. Platon avait auparavant étendu l’art culinaire à un rôle de révélateur métaphorique à propos de la rhétorique. Probablement par extension théorique de ce thème culinaire Solange Clouvel ouvre un nouveau front : la définition du courage.
Tout le monde sait que cela s‘est très mal terminé pour Socrate. A-t-il été courageux ? Stupidement platonicien alors que la logique serait que Platon fut Socratique ? De quel combat de cuisine ou d’arrière cuisine a-t-il été le protagoniste ? « A trois reprises Socrate participa à ce casse-pipe <la guerre du Péloponnèse>. A trois reprises il troqua sa batterie de casseroles contre un fourniment d’hoplite : à trente huit ans à Potidée (en -432) ; à quarante-six ans à Délion (en -424) et à 48 ans à Ampipholis (-422). » La menée « Socratique » de Solange Clouvel ne supporterait pas le plagiat et on limitera ici nos observations « post-Socratiques » à un strict minimum.
De «La poule mouillée en cocote » au « Courage à l’ancienne » avec sa préparation, l’autrice suit effectivement le raisonnement que Platon prête à Socrate du point de vue du « Courage militaire ». Heureusement, il apparait très vite que le raisonnement n’est pas sans faille. (Ainsi, pour la beauté de l’exemple, tout chef de guerre qu’il fut, Pyrrhus mourut du simple lancer d’une tuile par une vieille femme non militaire mais habilement juchée sur un toit.)
« Le sot-l’y-laisse » serait le chef d’œuvre culinaire de Socrate. Alors que le sort de celui-ci a été réglé de manière politique et sera finalisé par une boisson toxique, Socrate prépare à l’intention de ses amis « Le sot-l’y-laisse ». Et, pendant qu’il « plume, flambe, vide » sa volaille, il peut se remémorer son procès. Car « Il a clairement identifié le péril : après la défaite d’Athènes dans la guerre du Péloponnèse ; après l’échec des tentations oligarchiques ; après le fragile rétablissement de la démocratie, la cité, dans un soubresaut, tente de restaurer les valeurs traditionnelles qui ont fait sa grandeur. De reconstituer son tissu social, de recréer du lien et, dans cette optique, elle élimine tous les tenants de pensées divergentes qui risqueraient d’anéantir le fonctionnement et les idéaux démocratiques. D’où la nécessité de faire un exemple pour camoufler l’échec des institutions, la corruption et l’injustice du pouvoir précairement en place. »
De recette en recette Solange Clouvel termine par le meilleur , le meilleur en cuisine pouvant être le réchauffé . C’est le fin du fin : refaire le procès de Socrate, et une fondation « Alexandre Onassis » s'y est même attelée en 2012 ; le résultat n'est guère rassurant pour Socrate. Un autre « réchauffé » permet de choisir un sens socratique à la crise grecque, celle qu'on fit payer au peuple grec suite aux tours de passe-passe (escroquerie) de la banque d'affaires Goldman Sachs et des politiciens grecs des années 2000. L'associée de Goldman Sachs était d'ailleurs une Antigone grecque, Antigone Loudiadis, quand Europe est, on le sait, une divinité de la mythologie grecque.
Nabokov, disait de celui qui initia le premier la « Dînette Socratique », : « bel artiste en philosophie, mais sociologue pervers ». Il parlait de Platon. Le mythe gitan c'est l'individu poétique et son ennemi les groupes d'influence.
Et en sortant de la caverne des ombres platoniciennes, suivons donc le sens de la visite signalée par Solange Clouvel.
"Sot-l'y-laisse" en dérive (collection particulière)